samedi 20 novembre 2010

La traversée du détroit de Singapour.

Danielle appréhendait notre arrivée à Singapour depuis le début de notre voyage pour une simple et bonne raison et c’est que Singapour possède l’un des ensembles d’installations maritimes les plus achalandé au monde et que naviguer dans ces eaux avec Chocobo nous donne le sentiment d’être un poulet dans un troupeau d’éléphants. Apercevoir un superpétrolier est un évènement impressionnant mais somme toute assez rare lorsqu’on navigue autour du monde. Mais ici, ce n’est pas un, mais plus de cent de ces béhémoths que l’on retrouve navigant ou bien au mouillage le long des 40 km et quelque de berge de la ville de Singapour lesquelles sont entièrement occupées par des quais et des raffineries. Nous vous présentons ici quelques photos mais je ne crois pas qu’il soit possible de pleinement ressentir ce que l’endroit a l’air à moins d’y être en personne. L’endroit est grand, immense, gigantesque! En fait, l’effort pour réaliser un tel ensemble d’ouvrages d’ingénierie est si titanesque que je ne le croirais probablement pas si je ne l’avais pas vu de mes yeux vu. À certains endroits ils ont remblayé pour créer plus de rivage pour les cargos. Les nouvelles terres ainsi crées couvrent plusieurs kilomètre carré et le remblaiement s’est fait jusque dans 100 pieds (30m) d’eau. Avez-vous une idée de la quantité de roches et de sable qu’ils ont du transporter pour faire cela???? Et je ne parle pas ici des quais et des grues partout nécessaires pour le déchargement des conteneurs.

Mais commençons par le début. Nous étions à Batam en Indonésie, et tous nos efforts pour réparer le réfrigérateur s’étant avérés vains, nous étions contraints d’aller à Singapour et plus précisément à la Marina Raffles sur le côté ouest de l’île puisqu’il est pratiquement impossible de s’ancrer dans un endroit convenable à Singapour. Seulement 8 miles séparent Batam et Singapour mais ces miles forment le détroit de Singapour. Le fait est, que tous les navires navigants entre le Moyen Orient ou la Méditerranée vers l’Asie doivent nécessairement passer par le détroit de Singapour et par conséquence l’étroit chenal maintenant ressemble grandement à une autoroute (en fait on devrait dire une bateauroute!) pour les super cargos et superpétroliers. Étant dans un tel endroit stratégique, il n’est pas surprenant que Singapour ait développé un ensemble si impressionnant de raffineries et d’installations portuaires. Notre premier objectif était de traverser le chenal pour nous rendre du côté de Singapour. En soit, ce n’est pas très compliqué mais cela doit être fait avec précaution à moins que vous souhaitez être écrabouillé par un bateau tellement gros qu’il ne ressentirait probablement même pas l’impact. Nous avons choisi l’endroit le plus étroit du chenal et littéralement regardé de chaque côté pour nous assurer que nous pouvions traverser sans encombrer la circulation continue qu’il y avait dans chacune des directions. La traversée, elle-même, a pris environs 20 minutes avec les moteurs à fond (nous faisions 7.5 nœuds!) mais il y avait un cargo à chaque 12 minutes de chaque côté! Nous avons synchronisé notre traversée avec soins et ainsi éviter de faire la une des journaux le lendemain. Une fois de l’autre côté, nous entrions dans le port de Singapour lequel est un amalgame d’ancrages à cargo et de chenaux pour leurs déplacements. Il est bon de noter que dans un monde de géants, une fourmi comme nous n’a aucune priorité au sens des règles maritimes et toute la responsabilité nous incombe d’assurer des manœuvres sécuritaires. Mais puisque dans cette zone, la vaste majorité des navires étaient ancrés, ils avaient beau être de dimension titanesque il n’était pas trop difficile pour nous de les éviter. À environ mi-chemin de notre destination, nous devions nous arrêter pour faire notre clairance avec le département de l’immigration pour notre entrée dans le pays. Habituellement, lorsque nous entrons dans un nouveau pays, nous devons obligatoirement nous arrêter à un endroit désigné et aller à terre pour rencontrer les autorités pour notre clairance mais ici ils ont développé une façon de faire beaucoup plus efficace de procéder. Arrivé à ce qui se nomme le mouillage ouest, nous avons appelé l’immigration sur la radio VHF et annoncé notre arrivée. Ils nous ont dit de rester là et d’attendre leur arrivée. L’ancrage en question fait 26m (80 pieds) de profond, ce qui est beaucoup trop profond pour mouiller l’ancre, alors rester là veux dire de flotter et de les attendre. Mais nous n’avons pas eu à attendre très longtemps puisque aussitôt que nous sommes arrivés au point de rencontre le bateau de l’immigration y était déjà. Ils se sont placés le long de nous et ont tiré une sorte de puisette au bout d’une tige et nous ont demandé de leur passer nos passeports et trois copies de notre liste d’équipage. J’ai mis les documents qu’ils demandaient dans la puisette puis nous avons attendu 5 minutes pour qu’ils fassent leur paperasse. Ils sont revenus avec la puisette et un formulaire que je devais signer, ce que je fis, et ils nous ont redonné nos passeports et la copie de notre clairance. Du début à la fin, il s’était écoulé moins de 10 minutes et hop nous étions partis!

Mais à ce moment là, il était déjà trop tard pour que nous puissions parcourir les 20 miles restants pour nous rendre à notre marina avant le coucher du soleil et nous devions trouver un ancrage pour la nuit. L’ancrage ouest était de facto éliminée des choix possibles à cause de sa profondeur et de toute façon quelles personnes saines d’esprit voudraient s’ancrer pour la nuit au milieu de 30 superpétroliers, non sérieusement? À quelques miles à l’ouest se trouvaient un ensemble d’îles et de haut-fond dans lequel nous avons trouvé un endroit parfait pour jeter l’ancre dans 20 pieds (7m) d’eau et y passer la nuit en sécurité hors de portée des navires et qui sait quoi d’autre. Tout autour de nous, le rivage était entièrement occupé par des raffineries et ces installations ne s’arrêtent pas de tourner durant la nuit. Nous n’avions pas d’odeurs puisque nous étions dans le vent et pas de bruit non plus mais nous avons eu droit à un spectacle qu’il est seulement possible de voir que sur l’eau. Une raffinerie, semble-t-il, a besoin de lumières tout le long de ses tuyaux et de ses tours, grosso-modo partout, et avec 10 km et quelque de raffineries autour de nous nous avions l’impression, après le coucher du soleil, d’être au beau milieu d’un arbre de Noël! Désolé mais notre caméra ne peut pas prendre des telles prises de nuits à cause du mouvement continu du bateau et des une à deux secondes d’exposition qui sont requises. Mais croyez-moi sur parole, c’était un spectacle que nous ne sommes pas prêt d’oublier! Le lendemain, nous avons continué notre route entre les navires immenses, lesquels défiaient la raison mais respectaient quand même le principe d’Archimède, dans notre bateau lilliputien et sommes arrivés sains et saufs à notre quai. Alors que nous naviguions, j’ai estimé qu’il devait y avoir environs 150 navires à l’ancre dans la région de Singapour. Lorsque nous avons traversé le canal du Panama, nous étions impressionnés par les quelques 50 cargos en attente de chaque côté du canal mais ici nous avons réalisé qu’il s’agissait seulement d’un simple carré de sable maritime. Singapour c’est la cour des grands et en fait, je suis presque certain que la plupart des béhémoths que nous avons vus ici étaient trop gros pour même passer par le canal du Panama!