mercredi 16 mars 2011

Les Maldives, l'organisation d'un convoi.



Nous avons passé les cinq jours les plus bizarres, ou a tout le moins les plus inattendus, de notre voyage à l’île d’Uligan dans les Maldives. À notre arrivée, en mi-journée le mercredi, nous étions très fatigués alors que nous n’avions pas eu de temps au Sri Lanka pour nous reposer. Une fois que les gens de la douane soient venus à bord pour notre clairance, nous sommes restés sur le bateau pour nous reposer. Notre plan était au départ de naviguer directement de Galle au Sri Lanka jusqu’à Salalah au Sultanat d’Oman mais juste avant notre départ du Sri Lanka nous avons reçu un courriel des gens à bord d’un autre bateau ‘’Imagine’’ nous indiquant qu’il était possible de nous arrêter en chemin à Uligan pour quelques jours sans à avoir à payer les frais exorbitants normalement exigés par les autorités Maldiviennes pour le permit de croisière. Nous avons donc décidé de nous y arrêter afin de couper le passage en deux et d’y prendre un peu de repos. Le premier jour nous avons appris qu’il y avait une réunion d’organisée à terre entre les 20 et quelques bateaux mouillant à Uligan pour discuter des attaques de pirate dans la région mais nous n’y sommes pas allés puis que nous en avons compris qu’il s’agissait d’une réunion quotidienne de toute façon.


Si je devais donner une définition du Jardin d’Eden je mentionnerais Uligan en référence. Les 400 et quelques habitants d’Uligan sont probablement les gens les plus gentils au monde vivant sur cette île propre et paisible où le mot stress n’existe probablement que dans le dictionnaire. Ils comprennent notre situation et ne sont pas trop regardants lorsque nous restons quelques jours de plus une fois que nos trois jours de permission sont expirés. Le deuxième jour, nous sommes allés à la réunion et avons été témoin de la plus incroyable paranoïa collective que nous n’ayons jamais vu. Entre 30 et 40 personnes étaient réunis et s’échangeaient les derniers rapports sur les plus récentes attaques de pirates dans la mer d’Arabie. Il y avait beaucoup d’information mais rien d’utile de façon pratique sinon que pour effrayer tous le monde. Nous ne nous étions jamais rendu compte à quel point la situation s’était détériorée dans la mer d’Arabie où, il semble, les pirates aient déménagés leurs activités au lieu du Golfe d’Aden qui est maintenant patrouillé intensivement par les forces militaires. Nous n’avions définitivement pas de convoi en vue pour ce très long passage de 1500 miles et espérions nous joindre à ‘’Imagine’’, et peut-être une autre bateau ‘’Pegasus’’ avec qui nous avions brièvement discuté juste avant notre départ du Sri Lanka, afin de peut-être naviguer ensemble mais rien de plus. Tout le monde avait l’air effrayé mais personne ne semblait savoir quoi faire. Certains étaient ici depuis plus de deux semaines et ne savaient toujours pas sur quel pied danser. Danielle et moi nous nous sommes regardés et sans que nous ayons eu à dire un seul mot le message était assez clair entre nous. ‘’Nous avons besoin d’autres bateaux pour un convoi et si nous ne prenons pas les choses en main, rien ne va arriver.’’ Alors nous avons fait quelque chose que plusieurs considèreraient incroyable à première vue, et on se gratte encore la tête nous-mêmes à savoir comment on a réussi ça, mais nous avons mis en place et organisé en trois jours un convoi de 10 bateaux avec des formations, des procédures détaillées et tout le tralala. Normalement, les gens prennent trois mois pour ce genre d’organisation! Mais pour bien comprendre ce qui passé dans nos têtes à ce moment là il faut se rappeler que Danielle et moi sommes deux professionnels travaillant dans le monde du high-tech, Danielle comme informaticienne et moi comme concepteur de microprocesseurs. Des années d’Université et une décennie et demie à travailler dans des secteurs hautement compétitifs nous ont formés à évoluer dans un environnement où être structuré et bien organisé n’est pas un choix mais une question de survie. Lorsque nous avons vu la situation, telle qu’elle était à Uligan, nos cerveaux ont immédiatement changés en mode ‘’travail’’ et nous avons réagis par pur instincts. Nous n’avons pas pensé, nous n’avons pas rationalisé la situation, nous nous sommes simplement jetés à pied joint dans l’action tels deux loups lancés dans un poulailler!

Nous avons commencé immédiatement après la première réunion alors que tous les gens s’échangeaient des informations inutiles et s’effrayaient mutuellement, mais une personne se démarquait de la foule, il s’agissait de John du bateau ‘’Seeamia’’. Il se tenait debout avec une carte maritime dans les mains, suggérant un passage par le sud de mer d’Arabie, et tentait de convaincre les gens de se joindre et de se mettre en action mais peu semblaient écouter trop occupés qu’ils étaient à avoir peur. Il était évident que le gars en question n’avait jamais travaillé dans un bureau et tenter de convaincre tout le monde d’aller manger au même restaurant pour le lunch. Danielle et moi avons donc pris un bout de papier et avons demandé aux gens autour de John si ce qu’il proposait était quelque chose qu’il les intéressait et avons pris en note le nom de leurs bateaux. Puis nous sommes allé voir un autre groupe et on leur a dit ‘’Nous sommes un groupe de bateaux qui partons ensemble pour Salalah en suivant une route au sud. Êtes-vous intéressés? Nous allons faire une réunion demain à 10 :00 pour discuter les détails.’’ Après 10 minutes nous avions 10 bateaux sur la liste, laquelle augmentera jusqu’à 19, et à la fin 10 d’entre eux quitteront ensemble. À 08 :00 le matin suivant, j’ai placé un appel sur la radio VHF indiquant à tout le monde qu’il y avait une réunion à 10 :00 pour le convoi. Les équipages d’environs 14 bateaux se sont présentés et nous avons discuté de plusieurs points tactiques mais nous n’avancions définitivement pas assez rapidement pour régler tous les points nécessaires pour organiser un group de personnes et de les faire naviguer ensemble en formation pendant 12 jours! La meilleure comparaison, pour décrire la tâche à accomplir, serait ‘’Essayer d’attrouper un groupe de chats et de les faire marcher ensemble en file droite!’’

Trois jours durant nous avons rassemblé les informations relatives à chaque bateau, la documentation que l’on pouvait trouver sur d’autres convois dans le passé et sur le MSCHOA, UKMTO et MARLO, les trois organismes militaires supervisant les activités militaires dans la région. À la seconde réunion, Martin du bateau ‘’Anima III’’ a amené une copie décrivant les procédures utilisées, l’année dernière, par un convoi organisé par un homme du nom de Tom Sampson composé de 27 bateaux navigant de Salalah à Aden. Ce document à définitivement fait bouger les choses beaucoup plus rapidement. Pendant que Danielle se démenait à débroussailler la procédure à suivre avec les trois organisations militaires, j’ai modifié les procédures de Tom afin de les adapter à notre réalité consistant en 12 jours et quelque de navigations sous les voiles, plutôt que 6 à moteur, et incluant la possibilité de se séparer en plus petits groupes en chemin advenant que la disparité entre les différentes vitesses de chaque bateau rende les choses impraticables. Évidement, nous avons eu des bateaux qui se sont ajoutés et retirés jusqu’à 18 :00 la veille du départ mais au bout du compte nous y sommes arrivé, et ce, même si nous étions complètement exténués entre autre dû au fait qu’en plus de cela nous devions préparer le bateau pour ce long passage. Mais aussi épuisante que fût toute cette organisation, le matin du 7 février 2011 le convoi Seabirds, formé de 10 voiliers, a quitté d’une façon exceptionnellement organisé Uligan en direction de trois destinations possibles; Salalah à Oman, Al Mukalla au Yémen ou bien Aden au Yémen. Une petite note au sujet des convois, pour ceux d’entre vous moins expérimentés à la voile, nous pourrions juste mentionner que la plupart des gens trouvent l’expérience de naviguer sous les voiles à deux bateaux pendant deux jours d’affilé très pénible. Si on leur parlerait de 10 voiliers en formation serrée pendant 12 jours et sur une distance de plus de 1500 miles, ils répondraient probablement que c’est quasiment impossible! Danielle et moi étions très fiers de ce que nous venions d’accomplir et les équipages des 9 autres bateaux étaient bien heureux que quelqu’un soit sorti de la paranoïa générale avec une attitude positive et les aient sortis de leur misère psychologique. Mais à ce moment là nous n’avions réussi qu’à organiser le convoi en un temps record. Le vrai test était en réalité devant nous et il nous fallait encore réaliser le passage en question car organiser est une chose mais livrer la marchandise en est une autre!

Les dix bateaux qui ont quitté ce matin là pour la traversée de la mer d’Arabie étaient; Anima III, Tiku Moyé, Chocobo, Seeamia, Asia, Margarita, Kathleen Love, Glide, Amante et Njord. Les membres d’équipage étaient à l’image de l’ONU et provenaient de l’Autriche, la Suisse, du Canada, de la Suède, de la Pologne, du Danemark, de l’Angleterre et des États-Unis. Bien que les risques de naviguer dans ces eaux redoutables étaient bien réels et du fait qu’il nous était théoriquement possible de naviguer vers le sud et de faire le tour de l’Afrique, lequel scénario impliquerait de naviguer la dangereuse côte est Africaine puis de traverser les eaux difficiles de l’Afrique du Sud et d’ajouter deux traversées d’océan et une année supplémentaire au voyage, nous avons décidé de traverser ensemble la mer d’Arabie principalement sur l’hypothèse calculée que les pirates Somaliens étaient, à prime abord, intéressés aux cargos de plusieurs millions de dollars, lesquels leur permettent d’obtenir de grosse rançons, et du fait qu’aucun yacht n’avait été attaqué depuis près de deux ans, et ce, spécialement lorsqu’ils naviguent en convoi où l’effet de ‘’banc de poissons’’ a un effet dissuasif à leurs attaques. Mais comme tout bon courtier en bourse vous le dira, le passé n’est pas toujours garant de l’avenir. Et c’est ce que nous allions éventuellement découvrir mais seulement une fois qu’il serait trop tard pour faire demi-tour! Lisez le reste de cette incroyable aventure dans le prochain article.