lundi 15 mars 2010

Passage entre le Panama et les Galápagos

Lorsque nous avons quitté Isla Bayoneta dans l’archipel de Las Perlas au Panama le 4 mars 2010, nous ne savions pas totalement à quoi nous attendre du passage de 880 nm (1637 km) devant nous et qui nous amènera aux légendaires îles des Galápagos. Bien sur, nous avions lu tout ce qu’il y avait à lire sur ce passage et fait tout ce que nous jugions nécessaire de faire pour préparer le bateau ainsi que nous même pour éviter tout problème possible mais la réalité est que notre plus long passage à ce jour fut de 300 nm et nous a pris seulement 56 heures. Le point important ici est la prédiction météo. Généralement, les prédictions pour la force et la direction des vents nous donnent une idée acceptable jusqu’à trois jours en avance ce qui nous donne une bonne idée de se qui se passera le long du passage avant même notre départ. Tout ce que nous avons à faire est d’attendre le moment où les vents et les vagues sont favorables pour toute la durée du voyage. Mais le passage qui est maintenant devant nous prendra au moins 6 jours et il n’y a pas une prédiction météo dans le monde qui nous donnera une image précise du vent qu’il fera six jours en avance. Bon, il est possible d’avoir une prédiction de 8 jours mais les choses changent rapidement. Les trois premiers jours sont habituellement assez précis. L’autre facteur majeur est le temps qu’il nous faudra avant de pouvoir enfin jeter l’ancre et avoir un sommeil acceptable. Nous savons que nous pouvons vivre en dormant deux à trois heures à la fois pendant deux jours mais comment ce sera pendant six jours? Et qu’en sera-t-il durant les 3 semaines qu’il nous faudra pour nous rendre aux Polynésiennes Françaises après les Galápagos? Allons nous être capable de cuisiner durant le trajet avec les vagues et tout? Plusieurs questions dont nous avons trouvé les réponses dans les livres que nous avons lus mais en réalité ce sont des choses que l’on ne peut pas vraiment apprendre dans les livres mais seulement en les vivants soi-même. L’inconnu fait parti intrinsèque de ce voyage et, comme nous l’avons fait chaque jour durant la dernière année et demi, nous allons l’affronter et régler chacun des problèmes au fur et à mesure qu’ils se présenteront. C’est ce que nous avons fait dans le passé et honnêtement nous avons été assez fructueux jusqu’à maintenant. C’est donc avec une bonne confiance en nos capacités que nous avancions à moteur pour nous dégager de l’île et positionner le bateau dans la bonne direction avec le vent derrière nous.
Danielle avait choisi avec soins notre fenêtre météo en analysant le comportement des vents durant le mois que nous avons passé à nous préparer à Panama City. D’après les prédictions météo, il y avait un système de vents forts en provenance du nord qui s’étendra sur le golf du Panama et qui durera au moins trois ou quatre jours et peut-être plus. Notre plan était de partir aussitôt que le système commencera à se mettre en place afin de rester dans sa bordure alors que nous naviguerons vers le sud avec le vent nous poussant de l’arrière pendant que les vents forts se développent derrière nous. Après un peu plus de deux jours, cela nous amènera dans une zone qui s’appelle le ITCZ positionné près de l’équateur et où les vents des hémisphères nord et sud en quelque sort s’annulent pour crée une zone sans vent dans laquelle il est normalement nécessaire de motoriser pendant plusieurs centaines de miles. Mais dans ce cas-ci, les vents forts du nord que Danielle attendait devraient littéralement souffler le ITCZ et nous permettre de voiler tout le long jusqu’aux Galápagos ou presque. Ainsi, nous allions naviguer vers le sud jusqu’à ce que nous atteignions la zone où l’ITCZ devrait normalement se trouver puis tourner vers l’ouest en direction de notre destination. À tout le moins c’était notre plan.
Le premier jour, alors que nous hissions les voiles, le vent était au rendez-vous exactement comme prévu et nous glissions littéralement avec lui. Puisque nous étions encore dans le golfe du Panama, les vagues étaient encore basses ce qui nous donnait une allure douce et rapide et étant donné que le bateau ne se balançait pas beaucoup Danielle a décidé de cuisiner plusieurs repas à l’avance de telle sorte que si le temps se dégrade nous pourrons manger simplement en les réchauffant au four à micro-onde. Ok, je dois avouer que Danielle ne mange pas beaucoup lorsque ça brasse mais moi je n’ai aucuns problèmes de ce coté là!. Après quelques heures de bings et de bangs dans la cuisine durant lesquelles je surveillais le bateau dans le cockpit, Danielle est ressortie avec deux pâtés chinois et un pain de viande tout prêt à être mangés. Par la suite, nous avons commencé nos quarts d’environs trois heures chacun durant toute la nuit. Juste après le couché du soleil, le vent s’est mis à monter encore plus fort mais nous avions déjà descendu le foc en avant et réduit la grande voile pour la nuit afin d’éviter d’avoir à jouer avec les voiles dans le noir au milieu de la nuit. Il vaut mieux être prudent que désolé. Mais même avec notre approche conservatrice avec les voiles, le vent était suffisamment fort pour nous permettre d’avancer entre 7 et 8 nœuds ce qui est plutôt rapide pour Chocobo. La première nuit nous avancions avec entre 28 et 32 nœuds de vent, ce qui était fantastique.
Les deux jours suivants étaient à l’image du premier et nous parcourions autour de 180 miles par 24 heures. Les vents forts au nord nous repoussaient vers le sud, exactement comme nous l’avions prévu, et au moment où nous avons atteint l’ITCZ nous avions encore au moins 15 nœuds de vent et étions capable d’aller sur les voiles à bonne allure au lieu de motoriser pendant des jours comme c’est souvent le cas pour ce passage. Mais comme les jours passaient, quelque chose devenait de plus en plus évident pour nous. Dans le milieu de l’océan séparé de plusieurs centaines de miles du bout de terre le plus proche, il n’y a tout simplement rien et je veux vraiment dire rien. Seulement de l’eau, le ciel et l’excitation de voir des nuages bouger! Le vent étant relativement stable et puisque nous avions préparé le bateau en profondeur rien ne se brisait. En d’autres mots, pendant les trois ou quatre heures que duraient nos quarts et que l’autre dormait nous n’avions rien à faire. La nuit, alors que la lune ne se levait que vers 23 :00, nous restions de longes heures dans le noir total. L’ennui était insupportable spécialement pour moi. Bien sur, nous ne sommes pas restés pendant des heures assis dans la chaise du capitaine à fixer les instruments jusqu’à ce que l’on atteigne l’état mental d’un piment vert. Nous avons lu chacun environs deux livres et avons écouté toute la musique que nous avions dans nos ipods. Le mouvement constant du bateau jumelé à l’état abrutissant crée par un horaire brisé de sommeil rendaient difficile toute activité intellectuelle plus complexe que de lire des romans. Nous dormions lorsque l’autre était de quart. Après la troisième journée, nous avons commencé à avoir suffisament de sommeil, 10 à 12 heures pour chaque 24 heures ça fait pas mal de temps couché alors nous ne pouvions plus rester couché. Nous avons commencé nous habituer à la cadence et nous étions en mesure d’allonger nos quarts ce qui donnait à l’autre de plus longues séances de sommeil et éventuellement nous a permis de recouvrer certaines facultés mentales.

Comme une preuve que les choses ne peuvent pas resté ennuyante éternellement, lorsque nous étions à environs 200 miles des Galápagos un oiseau est venu nous rendre visite à l’arrière afin de se reposer pour la nuit. Plus tard dans la nuit, Danielle a découvert qu’environs six autres oiseaux s’étaient joint au party et se tenaient à la proue. Au petit matin, ils étaient tous partis pour une autre journée pêche mais non sans nous avoir tous laissé un petit cadeau dégoulinant sur le pont!

À un moment donné, nous avons du rencontrer un banc de calmar car nous avons trouvé pas moins de six de ces petites bestioles séchées sur le pont. Regardez ces grands yeux tout noirs et grands ouvert! Alors que nous nous rapprochions de San Cristobal les insectes aussi commençaient à être bizarres. Une mouche est venue se poser sur notre afficheur de cartes. En soit, sa forme n’avait rien de particulière mais sa couleur par contre était spéciale. Elle était beige. Toutes les mouches que j’ai vu dans ma vie était noire ou bien bleutées à la rigueur mais jamais beige! Nous avons aussi vu des taon noir tellement gros qu’on se demandait comment ça sera d’en faire cuire quelques uns sur une brochette!
Lors de notre dernière nuit, avant notre arrivée, le vent est tombé et comme cela arrive souvent il est tombé en quelques minutes comme si quelqu’un en haut aurait fermé l’interrupteur du ventilateur. Nous avons donc parti un moteur pendant la majeure partie de la nuit et avec les moteurs vient le flot divin d’électricité illimité sur le bateau. Pour nous, électricité rime avec jeux vidéos, ok peut-être pas syntaxiquement mais définitivement de façon pratique! Jouer à un jeu vidéo est la meilleure façon de garder votre cerveau occupé pendant des heures sans voir le temps passer ou bien l’équateur par le fait même. Pendant que je me battais avec les lignes de boules de Luxor défilant de plus en plus vite nous avons traversé l’équateur et passé de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud. J’était un peu déçu à la fin de mon quart juste après le tableau 6-8 de Luxor lorsque j’ai regardé notre position puisque je voulais prendre une photo de la position sur le GPS montrant les chiffres de la latitude tous à zéro. Un peu après le levé du soleil Danielle aurait pu crier ‘’Terre!’’ alors que l’île de San Cristobal se matérialisait à l’horizon mais j’étais couché et elle l’aurait crié que pour elle-même. Mais avec la proximité de San Cristobal est aussi venue la vie sauvage. Nous avons été accueillis par un banc de dauphins noirs puis plus tard Danielle a aperçue une raie géante sauter en dehors de l’eau et également des oiseaux partout se nourrissant des pauvres poissons qui étaient trop stupides pour plonger trois pieds plus creux pour sauver leur peau à moins que ce soit à cause des requins qui les attendaient en bas! Nous sommes arrivés à Puerto Baquerizo Moreno sur l’île de San Cristobal dans l’archipel des Galapagos à 12 :11 heure locale après 149 heures en mer. Après ce passage, nous avons réalisé qu’après environ 3 jours le corps s’habitue au mouvement du bateau et que l’on peut commencer à vivre un peu plus normalement a bord. Cela nous rend confiant que tout ira bien pour le passage du Pacifique, lequel devrait commencer la semaine prochaine, qui durera trois semaines et qui est apparemment l’océan le plus clément au monde.