samedi 2 avril 2011

Le Golfe d'Aden.

Nous avons quitté Al Mukalla tôt dans la matinée le 24 février 2011 et avons mis les voiles pour traverser le golfe d’Aden connu, il n’y a pas si longtemps, comme étant les eaux les plus dangereuses au monde. Mais, même si ce n’est pas l’endroit le plus sécuritaire du monde, nous n’étions pas aussi inquiets par ce passage que nous l’étions lors de la traversée de la Mer d’Arabie. Par contre, il fallait tout de même rester sur nos gardes comme Danielle et moi avons dû le rappeler aux autres à quelques reprises tel que cet après midi alors que nous nous sommes arrêtés pendant une demi heure pour laisser le temps à l’un des bateaux pour réparer sa transmission. C’était un bel après-midi chaud et ensoleillé, la mer était plate comme un miroir et les équipages de deux des bateaux ont décidé que c’était un bon moment pour faire une saucette à l’eau! Dans des conditions normales, il n’y aurait aucun problème à cela mais une mer calme, en plein jours au milieu du golfe d’Aden il s’agit de conditions idéales pour une attaque de pirate! Mais après plus de trois semaines à être continuellement en alerte nous avions atteint un l’état où l’on s’en foutait complètement. Le passage s’est bien déroulé en général et nous avons mis un peu plus de trois jours pour couvrir les 400 miles et quelque séparant Mukalla et Bab El Mandeb ce détroit démarquant l’embouchure sud de la Mer Rouge. Une fois dans la Mer Rouge, laquelle est maintenant considérée comme étant relativement sécuritaire pour les yachts, il est devenu apparent pour tout le monde que nous étions tous au bout de nos limites de naviguer en formation serrée. Après avoir navigué ensemble 1900 miles en 16 jours de mer il était temps pour nous de nous séparer puisque les conditions requérant un grand convoi étaient maintenant finies. Nous nous sommes alors dit au-revoir et sommes séparé en deux groupes. Quatre d’entre-nous avons décidé de nous arrêter immédiatement à la petite ville d’Assab en Érythrée alors que les cinq autres bateaux préféraient profiter du vent fort du sud pour s’avancer plus au nord et ont donc continué.

C’était la fin d’une incroyable aventure que nous avions vécue ensemble et qui allait rester dans nos mémoires pour toujours. Ensemble, nous avons navigué au travers des eaux les plus dangereuses au monde et avons réussi, peut-être par pure chance, mais peut-être que non et si notre voyage ensemble était maintenant terminé, il n’en était rien de notre amitié mutuelle. Nous allons nécessairement nous rencontrer à nouveau lors de notre périple vers le nord dans la Mer Rouge et lorsque cela se produira nous n’allons pas simplement rencontrer d’autres navigateurs mais nous allons plutôt revoir des amis chers.

Dans les quelques articles précédents de ce blogue, je vous ai raconté notre histoire sur comment nous avons passé au travers des eaux infestées de pirates du Moyen Orient et comment nous sommes arrivés sains et saufs à la Mer Rouge mais je n’ai jamais répondu à la seule question que vous devez tous avoir en tête en lisant ces lignes; Pourquoi, pour l’amour de Dieu, avez-vous voyagé au travers de cet endroit infernal en premier lieu? Et ce serait une question entièrement valide puisque nous aurions pu décider de naviguer directement de l’Australie jusqu’en Afrique du Sud ou bien d’oublier complètement cette idée insensée de voyage autour du monde et de simplement nous arrêter en Australie ou bien de rester dans la Mer des Caraïbes comme le font tant de gens. La réponse peut se résumer à un seul mot; liberté. Nous tentons tous de faire le mieux avec notre vie. Nous travaillons, nous élevons nos enfants et nous essayons de faire en sorte que notre vie en vaille la peine. Mais à la fin, un jour couché sur notre lit de mort, nous allons faire le sommaire de notre vie. Nous allons nous demander ce que nous avons fait d’unique, qui était vraiment nous? Pas quelque chose d’imposé par les autres mais que nous avons vraiment choisi. Toutes nos vies sont principalement imposées par les autres. Le gouvernement vous dit comment travailler, comment élever vos enfants ou bien comment ne pas mourir de la cigarette. Même lorsque vous décidez de sauter à bord d’un voilier et de faire le tour de la planète, l’industrie du tourisme vous dit ce que vous devez voir, les autorités des pays vous rendent les choses dispendieuses, la météo vous dit quand vous pouvez bouger et quand vous ne le pouvez pas et puis finalement les pirates vous disent où vous pouvez passer ou non. Où est la liberté dans tout ça? L’essence même de ce voyage n’est pas de voyager autour du monde et de traverser tous les méridiens, il s’agit plutôt du voyage lui-même. Si votre but est de faire le tour du monde alors tout ce que vous avez à faire est d’acheter des billets d’avion et en moins d’une semaine tout sera fini. Nous vivons présentement ce que pour plusieurs ne sera qu’un rêve. Nous réalisons quelque chose d’unique, quelque chose que nous avons choisi malgré que tout et tout le monde soient contre nous. Nous voulions voir le monde et de décider comment nous allions le faire, de le faire à notre façon. Pas à la façon des pirates. Oui, nous avions le choix d’avoir la trouille et de naviguer autour de l’Afrique du Sud et de manquer tout ces pays magnifiques ou bien de dire ‘’Non! C’est là que nous voulons aller et c’est par là que nous y allons!’’ Ce que vous faites de votre vie est toujours une question de choix et nous avons les nôtres.