dimanche 27 mars 2011

Al Mukalla au Yémen.

Al Mukalla est une petite ville côtière du Yémen et nous avons décidé, de concert avec les autres membres du convoi Seabirds, de nous y arrêter pour prendre un peu de repos et nous réapprovisionner. Comme c’est le cas dans presque tous les pays du Moyen Orient cette année, le Yémen est présentement sous l’emprise de tensions politiques et nous avons reçu des informations au sujet de manifestations ayant lieu à Aden, dans l’ouest du pays, mais rien à propos de Mukalla. Nous avons bien dû donner quelques mots de tête aux autorités portuaires lorsque nous sommes arrivés neuf voiliers en même temps dans ce petit port restreint mais il semblait bien qu’ils en aient vu d’autres avant nous. C’est donc à l’ancre, avec les bateaux mouillés à quelques mètres les uns des autres, que nous avons fait connaissance avec Maher, un jeune homme faisant office d’agent ici et qui aide les navigateurs de passage avec leur clairance et l’approvisionnement. Danielle et moi avons alors mis, encore une fois, nos talents d’organisateur en action et à la fin de l’après-midi tout était arrangé avec Maher pour la livraison de 2000 litres de carburant pour tous les bateaux, de l’eau et l’obtention de deux bus, le matin suivant, pour le transport des 19 membres du convoi afin d’aller à la banque et au supermarché. On nous a dit, à ce moment là, que les autorités locales ne désiraient pas que nous allions à terre après 13 :00h à cause de manifestations ayant lieu en ville. Après tout, il semblerait que Mukalla ne soit pas aussi calme que nous le pensions au départ! Tout le monde était très content du travail d’organisation que Danielle venait de faire à Mukalla et le lui ont amplement fait savoir.


Le matin suivant, les équipages des neuf bateaux se sont tous rassemblés sur le quai principal, ce qui était la première fois depuis notre départ d’Uligan quatorze jours auparavant, et après les bises, les serrages de main et les photos de groupe nous sommes montés dans les bus et sommes partis magasiner. Les yéménites sont très gentils et accueillants, au point où cela devient presque gênant. Ils nous offrent leur aide à supermarché, parlent avec nous dans la rue et évidement certains nous quête de l’argent mais en général on se sent très à l’aise. Nous sommes revenus au port avant midi, à cause des manifestations en ville, et le diesel fut livré dans l’après midi. Notre plan était de quitter tôt le matin suivant mais l’étendue des réparations sur les bateaux nous ont fait rapidement rallonger notre séjour de deux jours.

Cette nuit là, nous avons fait un petit party sur Chocobo et c’était assez impressionnant de voir 19 personnes dans notre cockpit! Ce fut très plaisant et c’était l’occasion de célébrer ce que nous avions accompli jusqu’à ce moment là et de réaffirmer que nous étions toujours une équipe solide et solidaire pour le passage suivant. En effet, dans le cas de certains convois les gens des différents bateaux ne se parlent même plus après avoir passé autant de jours à naviguer ensemble tellement l’expérience peut être éprouvante pour tous! Mais les membres du Seabirds étaient maintenant de grands amis et les chances sont très fortes qu’ils le restent pour très longtemps. Le jour suivant c’était le temps de réparations. Notre autopilote hydraulique était, je croyais à ce moment là, complètement foutu mais Brian, à bord de ‘’Glide’’, pouvait apparemment réparer n’importe quoi sur un bateau et après deux heures de zigonnage nous avons réussi à le remettre en marche. En fait, ce jour-là, il devint évident que lorsque vous mettez les membres d’équipage de neuf bateaux ensemble il n’y pas beaucoup de problèmes techniques que ne peuvent être réparés ou de choses organisées.


Bien que, en mettant les neuf bateaux à contribution, nous avions à notre disposition toutes les pièces nécessaires pour réparer tous les bris que nous avions, il nous fallait quand même aller faire quelques emplettes pour des pièces et quelques rechanges. Jean-Claude, Graeme, Martheen, Max et moi sommes allés, le jour suivant, avec Maher pour acheter ce qui nous manquait et pour faire un peu d’internet. Nous nous sommes arrêtés en premier à un magasin d’ordinateur pour acheter un chargeur pour le laptop de Graeme. La boutique était sur le côté ouest de la rivière et nous pouvions alors voir des manifestants sur la rive opposée. Apparemment, une manifestation avait lieu et ce même si nous étions tôt dans la matinée. Par la suite, nous sommes allés à une petite quincaillerie où, malgré son apparence très petite, nous avons pu trouver presque tout ce dont nous avions besoin tel que des bagues pour mon RAM hydraulique, des roulements à billes, du liquide de refroidissement pour les moteurs, des connecteurs, du lubrifiant etc. Nous avons laissé Martheen, Greame et Jean-Claude au Café Internet pendant que Max, Maher et moi avons essayé de trouver du propane pour les bateaux mais ce fut sans succès dû à l’incompatibilité des embouchures des bouteilles. Nous nous sommes alors arrêtés en chemin au supermarché où je suis entré seul pour acheter une espèce de fromage en crème qui bonne à mourir surtout avec le pain pita qu’ils concoctent ici. À l’intérieur, j’ai rencontré John, de Amante, avec qui j’ai discuté un moment avant de nous en aller chacun de notre côté. Entre le supermarché et le Café Internet, les rues étaient presque bloquées par la circulation. La manifestation virait mal et on pouvait entendre les coups de feu tiré par les forces policières, probablement en l’air, afin de disperser les manifestants. À notre arrivé au Café Internet, Jean-Claude discutait à l’extérieur avec des vendeurs locaux. Je suis entré à l’intérieur et dit aux autres que les choses se détérioraient dehors et que nous devions y allé immédiatement. Trente secondes plus tard nous étions hors du Café! Nous devions maintenant retourner au port mais les rues étaient complètement bloquées par la manifestation.


Maher a pris une petite rue et a pu se mettre en route. Autour de nous, nous pouvions voir les gens courir alors que dans les rue adjacentes ont entendait les cris des manifestants et les coups de feu des policiers. Maher était nerveux, certes, mais il nous a sorti de là et a pris une route contournant la colline ce qui rallongait le temps de retour au port entre 20 et 30 minutes au lieu de 10 pour le chemin directe. Danielle commençait à être assez nerveuse car lorsque John, avec qui j’avais discuté un moment au supermarché, était revenu il lui avait raconté qu’il m’avait vu seul au supermarché et que les choses viraient au vinaigre en ville. Elle m’imaginait alors courant dans les rues de Mukalla avec une horde de yéménites me courant après bâtons à la main! Évidement, il n’y avait rien d’aussi tragique, j’essayais seulement d’éviter les coups de feu tirés par les policiers! Mais il ne nous en fallait pas d’avantage pour comprendre qu’il était temps pour nous de quitter l’endroit à la première heure le lendemain matin. Nous avons bien essayé de relaxer durant l’après-midi mais sans trop de succès. Mais cette nuit là, nous nous sommes tous endormis profondément au chant de l’appel à la prière provenant de la mosquée environnante de cette ville du Moyen Orient qui, malgré les apparences, nous fait quand même rêver.